La haine et l’amour by Pierre Janet

La haine et l’amour by Pierre Janet

Auteur:Pierre Janet [Janet, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Poster, Essai, Littérature Française
Éditeur: Payot
Publié: 1932-01-14T23:00:00+00:00


1. Voir Spinoza (1632-1677), Éthique, 12-13, Scolie (1661), trad. Bernard Pautrat, Paris, Seuil, 1999, p. 226-227. Janet reformule la définition de Spinoza : « amore […] est […] Lætitia concomitante idea causæ externæ » ou « une Joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure ».

2. Pierre Janet, Les Médications psychologiques, op. cit. Le tome III traite des « acquisitions psychologiques ».

L’amour-possession sexuel

Nous voici revenus inévitablement aux conduites sexuelles : il est difficile d’étudier l’amour-possession sans en parler.

Nous avons vu que l’amour-aspiration est une première partie très importante du phénomène d’amour, d’autant plus importante qu’elle ne réussit pas toujours, et n’est donc pas toujours suivie d’amour-possession. Nous avons vu que dans cet amour-aspiration, les individus des deux sexes tendent à accomplir certaines actions sociales, notamment sous la forme de relations sexuelles.

Même dans les amours heureuses, il semble bien qu’il y ait au premier rang de ce bonheur la possession sexuelle, l’acte sexuel proprement dit, dont la réussite joue le rôle primordial : parmi les joies des amours réussies, il y a la période de la lune de miel des jeunes amants.

On ne peut donc éviter le problème que voici : qu’est-ce que l’acte sexuel représente de si important dans la vie, pour amener de telles aspirations et de telles satisfactions ?

On éprouve alors un certain embarras : les études que nous avons faites précédemment sur l’acte sexuel ne semblent pas répondre à la question. Nous trouvons là une disproportion considérable entre le résultat sentimental et l’acte lui-même.

Dans l’acte sexuel en effet, nous avons vu qu’au point de vue psychologique la procréation des enfants ne joue qu’un rôle accessoire. Ce n’est qu’un résultat ultérieur qui n’est presque jamais cherché directement. Le point de départ, signalé notamment dans le livre de M. Roux1, et que je vous ai déjà rapporté, est une petite intoxication de l’organisme. L’individu de l’un ou l’autre sexe est intoxiqué par les produits sexuels, reliquats de la cellule qui est arrivée à son plein développement, poisons gênants qui se sont accumulés dans des réservoirs et qu’il faut expulser. Cette expulsion se fait assez facilement par des réflexes assez simples : pertes séminales, règles, etc. Nous avons vu qu’elle a été compliquée par le besoin naturel de fécondation2 : les produits sexuels doivent être expulsés au voisinage les uns des autres. D’où de nouvelles conditions amenées par la forme même des organes, qui nécessitent des attitudes fatigantes et des conduites compliquées.

Comment cet acte sexuel, si petit au début, si petit encore malgré les complications de la nature, peut-il jouer un rôle aussi énorme dans les relations sociales ?

Les moralistes, comme Schopenhauer et Chamfort, n’ont pas manqué de remarquer cette disproportion et de la railler : « La nature ne songe qu’au maintien de l’espèce, et profite de la sottise… Quelle femme, si les femmes étaient sensées, accepterait, pour une minute d’épilepsie, une maladie d’une année3 ? »

Je viens de vous dire que la désintoxication n’est d’ailleurs pas difficile : chez la femme, elle se fait automatiquement, un peu après les règles ; chez l’homme, elle se fait par les pertes séminales.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.